Yaniv Iczkovits, La vengeance de Fanny

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Nous retrouvons avec toujours autant de plaisir Agnès Bensimon qui a lu

La vengeance de Fanny, Yaniv Iczkovits, Gallimard, traduit de l’hébreu par Jérémie
Allouche, 506 pages

La vengeance de Fanny (en hébreu Tiqqun Ahar Hatsot, תיקון אחר חצות), troisième roman de Yaniv Iczkovits et le premier traduit en français, a été couronné en 2017 du prestigieux Prix Agnon « pour son univers littéraire original, unique, bien ciselé, avec une intrigue enlevée. »

Une intrigue menée à vive allure, qui entraîne le lecteur dans un conte picaresque haut en couleur ancré dans un Empire russe en déliquescence en cette toute fin du XIXème siècle. L’histoire commence à Motelé (Motal) en Biélorussie, bourgade traversée par la rivière Yasselda, peuplée par une communauté juive traditionnelle où il n’est pas rare que les maris abandonnent femme et enfants, attirés par de plus vastes horizons. Tel est le cas de Mendé, vertueuse épouse, mère de deux enfants, délaissée depuis un an par son mari, Zvi-Meir parti à Minsk. Le jour de son anniversaire Mendé dépense sans compter ses économies puis, de désespoir va se jeter dans la rivière depuis la barque de Zizek Brushov, le passeur. Elle sombre dans une longue et profonde dépression. Sa jeune sœur Fanny, mariée, mère de cinq enfants, décide alors de quitter son foyer au coeur de la nuit et part à la recherche de son beau-frère afin de lui extorquer l’acte de divorce qui redonnera sa liberté à Mendé. Fanny, au caractère bien trempé, n’a cure de choquer les esprits conservateurs de son shtetl. Surnommée « la bête sauvage » parce que son père l’a initiée enfant au métier de shokhet, elle sait manier le couteau comme personne et semer sans ciller la mort sur son passage. Lancée sur les routes, en compagnie de Zizek le passeur, ancien soldat enrôlé de force dans les armées du Tsar et au passé glorieux, le duo va très vite affronter une famille de bandits de grands chemins. A partir de ce moment, le récit se transforme en une véritable épopée où l’on croise des personnages incroyables, comme Piotr Novak, le colonel de la police secrète impériale (la tristement célèbre Okhrana) qui – déguisé en Juif, poursuit les fuyards, ou encore Patrick Adamski, ancien frère d’arme de Zizek, reconverti en tenancier de bordel, sans parler de Shleimel Kantor, l’insupportable simplet de service. Récits dans le récit, les histoires s’emboîtent telles des poupées russes, relatées avec un humour à prendre au second degré et beaucoup de panache, sur fond de rigueur historique qui lui confère toute sa crédibilité. 

« La vengeance de Fanny », plaide la cause des agounotces épouses délaissées et dépeint une héroïne intrépide bravant obstinément les conventions. On se laisse emporter par ce conte savoureux truffé de péripéties pleines d’imagination qui redonne vie à un monde lointain et oublié. Yaniv Iczkovits nous fait don d’un roman remarquable.

©Agnès Bensimon

     
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