Madame Curie par Eve Curie lu par Esther Orner

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Esther Orner nous livre sa chronique sur le livre Madame Curie, Eve Curie, Editions Gallimard, 1938. C’est un extrait de son tapuscrit : La lectrice de Soi – 2003-2005

Une biographie ? Dès les premières pages je savais que j’allais lire un roman comme ceux qu’on lit, adolescents. Comment n’en avais-je jamais entendu parler ? Il a fallu que Daphné Schnitzer m’en parle comme d’un livre lu et relu par elle et sa mère. C’est la première référence que j’ai notée dans le petit carnet beige à couverture cartonnée que Daphné m’avait donné en juin dernier et dernièrement j’ai reçu le livre commandé avec beaucoup de retard. Tout ça pour dire que j’ai de la chance d’avoir découvert seulement maintenant ce livre si beau.

Commencé le dimanche 28/8, j’allais le terminer demain Shabbat. Six cent pages tout de même. Je n’ai pu résister. Je l’ai terminé hier aux aurores. Et maintenant avant d’entamer ma journée je vais essayer de prendre quelques notes.

Une biographie malgré tout. Ou alors une biographie romancée. Une histoire vécue.

Une fille écrit sur sa mère. Elle la nomme. La fille est presque absente. Elle écrit à la troisième personne. Une narratrice cachée. Parfois elle parle d’elle-même. Elle dit Eve. Parfois son Je intervient. Une belle écriture. Juste, émouvante. Un livre romanesque pour un vécu exceptionnel.

Histoire d’une belle savante qui adore son pays malheureusement occupé par les Tsars. En tant que femme elle ne peut accéder aux études universitaires à Varsovie. Elle part à Paris vivre une vie de pauvreté entièrement vouée à la science. Elle sera la première femme nommée professeur à la Sorbonne. Elle ouvre la voie aux femmes. Uniquement par son génie. Aucune revendication féministe. Toutefois plus tard elle sera surprise par le combat des femmes américaines qu’elle admire.

Au centre, la belle histoire d’amour avec son compagnon Pierre Curie. Pierre Curie, qui s’était juré de ne jamais se marier, a enfin rencontré une femme à son niveau. Marie Sklodovska, déçue par un premier amour, a des principes – continuer à lutter pour son pays, se dévouer à sa famille qu’elle adore, même se sacrifier ce qu’elle a fait dans le passé, réfléchit dix mois avant de prendre la décision de devenir Madame Curie et de choisir de vivre en France. “Certaines de ses théories sont généreuses et belles, d’autres ne sont que puériles. Surtout – et Pierre l’a compris depuis longtemps – ce ne sont pas elles qui font de Marie un être supérieur. Le savant fait bon marché des principes que Marie partage avec quelques milliers de ses compatriotes cultivées. Ce qui le retient et le fascine c’est son dévouement total au travail, c’est son génie qu’il pressent, c’est aussi son courage et sa noblesse. Cette fille gracieuse a le caractère et les dons d’un grand homme.” (Sic)  

Une des plus belles histoires d’amour relatée avec pudeur et amour. Et comme toutes les belles histoire d’amour, celle-ci fut trop courte. Elle se termine par la mort accidentelle de Pierre Curie.

Il y a longtemps que je n’ai pas autant pleuré. J’ai ressenti un vrai chagrin, une révolte devant ce sort vécu et non pas inventé. Quitte à me répéter la grandeur de ce livre tient au lien entre biographie et écriture romanesque. On pourrait dire que tous les romans sont vrais lorsqu’ils ont du style.

J’ai appris certaines choses sur la Pologne – l’oppression des tsars voulant en faire un pays russe, la résistance d’abord active puis passive des polonais pour conserver leur langue et leur culture.

Marie Curie décrit une Pologne polonaise que je ne connais pas.

Longtemps j’ai pensé que le béton dominait la Pologne. J’ai été étonnée de voir la belle nature dans le film Shoah. Pourtant lors de nos randonnées à Ville d’Avray, ma mère nous arrêtait pour écouter le coucou qui lui rappelait son enfance dans la campagne polonaise. Les parents d’une de ses grandes amies étaient marchands de bois et pour ça il faut bien sûr des forêts !

Ma Pologne est celle des pogroms et de la Shoah. Telle qu’elle m’a été transmise par ma famille. Je ne connais pas grand chose ni de son histoire ni de sa littérature à part Gombrowiz et Mikievitz. Avant la Deuxième Guerre mondiale les Juifs même lorsqu’ils étaient majoritaires dans une ville faisaient partie de la minorité. Ils étaient à part. Une autre religion, une autre langue. Ceux qui voulaient accéder à l’université devaient souvent se faire baptiser.

Marie Sklodovska raconte que dans son lycée il y avait des Polonais, des Allemands, des Juifs. Tous probablement nés en Pologne. C’était bien avant la Première Guerre mondiale. La Galicie ne faisait pas encore partie de l’Empire austro-hongrois.

Le livre se termine sur l’agonie de Marie Curie. Madame Curie peut être comptée parmi les victimes à longue échéance des corps radioactifs que son mari et elle même ont découverts, écrira le professeur Regaud.

Le dernier mot de ce livre rare Radioactivité.  Livre publié après le mort de Marie Curie. “ Titre fait d’un seul mot, sévère et rayonnant” dira Eve Curie.

©Esther Orner

Qui était Madame Curie ?

Et la voix d’Eve Curie :

 

     
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