Poteries arméniennes de Jérusalem

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Dans le quartier arménien de la Vieille Ville de Jérusalem, en entrant par la porte de Jaffa, on prend à droite en direction de la porte de Sion, on passe sous un passage vouté et en face de la Cathédrale Saint-Jacques, et nous voici devant le magasin de céramiques d’Harout Sandrouni, Armenian Art Center. C’est mon amie Marion, guide de son état qui nous y conduit

Les trois frères Sandrouni ont créé l’Armenian Art Centre en 1983. Depuis ils se sont séparés et on ouvert chacun leur boutique. C’est du bel artisanat, pas de la production de masse. Demandez à Harout de visiter l’atelier adjacent à la boutique pour suivre les différentes étapes de la fabrication : le dessin, le coloriage, les mélanges de couleurs sont traditionnellement faits à la main, chacun selon sa recette. Les couleurs une fois posées, on trempe la céramique dans de la glaçure. On la passe ensuite au four où elle va acquérir ses couleurs définitives.

En 1918, les Britanniques qui avaient mis un terme à la domination ottomane l’année précédente, recherchaient des céramistes pour réparer les carreaux du Dôme du Rocher alors en très mauvais état et qui se détachaient de la paroi de l’édifice. Ce carrelage datait du XVIe siècle et avait été fait en Turquie au temps de Soliman le Magnifique. Ils firent appel à David Ohannessian, un maître céramiste arménien réfugié à Alep après le génocide. Il retourna à Kutahya le centre de cet artisanat au nord d’Istanbul pour recruter d’autres artisans comme le peintre Megerditch Karakashian dont Hagop le petit-fils exerce encore dans une boutique sur la Via Dolorosa et le maître potier Nshan Balian. Finalement le projet de rénovation ne fut pas mené à bien – les céramiques du Dôme du Rocher furent finalement réparés en 1962 lorsque Jérusalem était sous occupation jordanienne avec des carreaux turcs – mais les artisans restèrent à Jérusalem et firent fleurir cet artisanat.

De la vaisselle, des saladiers, des jeux de jacquet, des vases et des miroirs, des coquetiers et des bougeoirs, des carreaux avec des inscriptions en alphabet arabe ou hébreu, et même en alphabet arménien que je découvre et qui ressemble au sanskrit.

Ces artisans tout en restant fidèles à la tradition ont créé de nouveaux dessins inspirés par leur vie en Terre sainte : les « sept espèces » de la Terre Sainte (le blé et l’orge, la grenade, le raisin, les figues, les dattes et les olives), des symboles juifs, des motifs ressemblant à des mosaïques découvertes dans la région. Les couleurs aussi évoluent, plus de rouge, moins de bleu. Une adaption locale très riche et on pourrait qualifier le travail fait par ces réfugiés arméniens et leurs descendants de céramique de Jérusalem plutôt que céramique arménienne. Un art plébiscité par les trois religions.

Harout, au regard pétillant, parle un très beau français et aime beaucoup la France car d’après lui, c’est le seul pays qui a essayé de sauver des Arméniens. Il est très accueillant. Il nous montre avec émotion une photo de sa grand-mère et de son père avant le génocide arménien par les Turcs et une photo prise un an plus tard, après la fuite vers Jérusalem.

Une belle rencontre.

Attention, la plus grande partie de la poterie arménienne proposée dans le Shouk n’est pas authentique mais réalisée en série à Hebron, ou même en Chine, non pas à la main mais par des machines ; les prix ne sont bien entendu pas les mêmes. A noter, les potiers arméniens vendent leur création seulement dans leurs propres boutiques

Sandrouni, Armenian Art Center ouvert tous les jours sauf le dimanche de 9h00 à 19h00 en face du couvent arménien. (02) 6283567

D’autres adresses : Vic Lepejian, Arman Darian, Hagop Antreassian, Balian Ceramics of Jerusalem, George et Dorin Sandrouni, Garo Sandrouni

     
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