Esther Orner, Entre mémoire et oubli ?

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Ce texte a été publié dans le numéro 10 de Continuum, la revue des écrivains israéliens de langue française qui avait consacré un dossier à Esther Orner. 

Esther Orner, Entre mémoire et oubli ?

J’ai relu d’affilée, en quelques jours, les huit livres publiés d’Esther Orner dans l’ordre de leur publication et j’y ai découvert ce que je savais déjà, – une œuvre.

Comment fait-elle Esther Orner, avec des mots tout simples, des phrases toutes faites, des pronoms très personnels, des propositions indépendantes, des adverbes de non-lieu, des proverbes aux allures de lieux communs, des cuisines et des miettes, des villes sans nom, pour nous faire penser le silence, le manque, les départs, les disparitions et la douleur ?

Comment Esther la cachée dévoile tellement en disant si peu ? En maniant l’oxymore et le paradoxe ? Grâce à sa modestie et à son intelligence ?

Et qu’écrit-elle ? Est-ce des romans, des récits, des journaux ?

D’où vient-elle cette Esther Orner, rebelle à toutes les classifications ? Est-ce une écrivaine israélienne, française, francophone, belge ?

Comment la prose devient poésie, le récit – roman, comment brouille-t-elle les pistes ?

Où trouve-t-elle le courage de se livrer à ce bras de fer entre la mémoire et l’oubli ?

Pourquoi au moyen de si petites choses, – l’adjectif petit se trouve dans les titres de quatre de ses livres –, le banal de la préparation d’un repas ou d’une conversation entre amis, la couleur bleue des yeux d’un homme et d’un twin-set, touche-t-elle à l’essence ? Est-ce « Le minimalisme, la simplicité ou encore l’extrême concentration » de l’écriture d’Esther Orner qui nous bouleverse à ce point ? Est-ce son ancrage dans la vie quotidienne et dans le temps hébraïque ? Ou le fait qu’elle prenne la vie à bras-le-corps, sans hiérarchiser, sans juger ?

Est-il possible que grâce à un phrasé au rythme particulier, grâce à une écriture si dépouillée, un humour toujours présent, elle nous laisse pantois devant la force de l’absence, de l’abandon, de la douleur ?

Et en lisant ses livres, une évidence : la littérature permet de lutter contre le découragement. La faille qui est en elle nous permet de nous consoler. Grâce aux livres d’Esther Orner, nous voilà, un peu, apaisés, presque, réparés.

Rachel Samoul

Le 29 février 2016 a eu lieu une Rencontre entre femmes autour d’un rêve à l’Institut français de Jérusalem – Romain Gary à l’occasion de la sortie en hébreu de « Petite biographie pour un rêve » traduit par Michal Ben Naftali. Sur la photo de droite à gauche, Michal Ben Naftali, Esther Orner, Rachel Samoul et Nadia Ruck.

 

Esther Orner présente Petite Biographie pour un rêve

Photo – Institut français de Jérusalem – Romain Gary

     
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