Planètes – Quatre variations sur le détachement

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La chronique cinéma israélien de Brigitte C. Cette fois-ci, un film documentaire qui invite à la réflexionohadmilsteinon

Planets – Four variations of Detachment – un film de Ohad Milstein 2014

50 minutes

Ce documentaire a reçu une  mention spéciale au festival DocAviv. Il est programmé en ce moment à la cinémathèque de Tel-Aviv.

Au centre cartographique d’Israël situé en plein cœur de Tel Aviv, rue Lincoln, une cartographe explique qu’une carte ne reflète pas toute la réalité, la complexité du terrain. Il faut toujours choisir qu’y représenter. Et ce choix dépend du commanditaire.Ce que fait Ohad Milstein, l’auteur de ce film, qui nous propulse dans les univers étranges de quatre personnes, lointaines planètes du soleil Tel-Aviv : un homme élève des chèvres et vit en forêt en complète autarcie avec sa femme et leurs deux enfants adolescents; un taxidermiste d’animaux de compagnie conserve les dépouilles d’oiseaux dans son congélateur, un homme dont le bras gauche a été arraché porte un bras bionique qui réagit à ses pensées et un vieil homme borgne, chasse et collectionne les papillons qu’il capture et épingle.

Le berger énonce posément qu’il préfère le silence à la compagnie de ses semblables, le taxidermiste ranime les animaux décédés, désir qui s’est manifesté pour la première fois quand à l’âge de cinq ans il a tenté de sauvegarder la magnificence d’un faisan mort, il n’y a sur terre que deux hommes à posséder un bras bionique et donc une expérience unique que cet homme essaie de nous communiquer, et le collectionneur de papillons explique la tentation perpétuelle de s’approprier ce qu’il y a de plus beau au monde à ses yeux.
Ce n’est pas un film facile à voir mais ce n’est pas un film gratuit qui se plaît à déranger. Entre documentaire et vidéo-art, Ohad s’interroge sur sa place à lui, sur notre place à nous. On pense à la maxime : ‘rien de ce qui est humain ne m’est étranger’ et à ses limites. C’est un film pensif par son rythme, ses choix, son esthétique : divisé en six parties, chacune porte un nom qui donne sens à l’ensemble : le mouvement perpétuel, la distance exacte, la mécanique etc…qui décrivent le monde cosmique. Et c’est un film philosophique qui nous accompagne longtemps et nous mène de réflexion en réflexion : le point commun de ses quatre variations est peut-être le désir et la faillite de son accomplissement total :  le berger solitaire et autarcique n’est pas totalement coupé du monde,on ne pas ressusciter les morts même embaumés,  un bras bionique n’est qu’un succédané, il n’est pas possible de s’approprier la beauté en la tuant. Mais on peut essayer de transcender la mort et de mettre de l’ordre dans le chaos.

Ohad Milstein a tourné deux autres films : l’un s’appelle « Système » et l’autre « Obsession ». Il est diplômé de l’Académie des arts Betsalel et du département cinéma de l’université de Tel Aviv.

     
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